Dr Françoise OKAH EFOGO
Dr Françoise
Okah Efogo,
enseignante,
Faculté
des Sciences
économiques et de
Gestion
Université de
Yaoundé II.
Co-auteur
de l’ouvrage
Document de
stratégies pour
la croissance et
l’emploi : comment
atteindre une
croissance à deux
chiffres, édition
Afrédit, 231 pages.
’entreprise est l’une des enti-
tés au cœur du secteur privé
camerounais. C’est le moteur
de la production, de la trans-
formation et de la commercialisation
(interne et externe). Selon de nombreux
rapports récents, l’entrepreneuriat
camerounais est constitué à plus de
50% d’entreprises de petite taille (TPE,
PME). Entre 2010 et 2015, près de 37.000
entreprises ont été créées au Came-
roun (MINPMEESA). Le Cameroun se
classe ainsi au 4ème rang des pays
comptant le plus d’entrepreneurs au
monde (Approved Index, 2015).
Les entreprises sont créatrices de nombreux
emplois et contribuent à plus de 35% au PIB.
Pourtant, malgré les nombreux efforts
consentis par l’ensemble des partenaires
au développement, parmi lesquels l’Etat,
les difficultés d’accès aux financements
demeurent prépondérantes ainsi que cela
est indiqué dans le DSCE (2009 : 21), alors
que «[l]e Gouvernement compte essentiel-
lement sur le développement des PME pour
relever l’immense défi de l’emploi ». Bien
plus, « [l]a stratégie de développement des
PME, qui devrait améliorer la compétitivité
de l’économie camerounaise, est encore en
cours de formulation. Néanmoins, le diagnos-
tic de ce secteur a été dressé et des axes
stratégiques identifiés. Ces axes viseront
principalement à : (i) lever les contraintes
institutionnelles qui entravent l’éclosion des
PME, à savoir principalement celles liées aux
infrastructures, à l’environnement des af-
faires, à l’accès aux marchés et à l’accès aux
financements» (DSCE, 2009 : 85).
Ce diagnostic du gouvernement, qui met
en évidence l’importance du problème de
financement, est relayé par les résultats
des recherches dans les universités came-
rounaises. Ainsi, une étude menée par un
groupe de chercheurs camerounais (Fouda
Ongodo et al, 2014 ; GEM, 2015) révèle que
les problèmes de financement arrivent au
deuxième rang des préoccupations des
entrepreneurs, derrière les problèmes de
transferts de technologie. Malgré la légère
amélioration entre 2014 et 2015, le Came-
roun enregistre, pour ce critère (accès au
financement), le score le plus bas (2,16 en
2014 ; 3,56 en 2015) comparativement aux
autres critères favorisant l’entrepreneuriat
et comparativement à la moyenne africaine
(2,49 en 2014 ; 3,84 en 2015). D’où l’intérêt
de discuter de cette question aux plans
théoriques et pratique.
I - Le financement de l’entre-
preneuriat, enjeux théorique et
empirique: une analyse rétros-
pective
Au plan théorique, le financement du sec-
teur privé peut emprunter le circuit de la
finance directe ou le circuit de la finance
indirecte. Dans un système de finance di-
recte, les entreprises obtiennent des fonds
directement de la part des prêteurs en leur
vendant des titres sur le marché financier
(actions, obligations) c’est-à-dire des droits
de créance sur les revenus futurs. Par contre,
dans un système de finance indirecte, les
entreprises recourent aux intermédiaires
financiers (banques, microfinances, autres
institutions) pour obtenir des fonds.
Au Cameroun, le système financier était
exclusivement intermédié jusqu’en 2001,
date de création du marché officiel des va-
leurs mobilières (la Douala Stock Exchange
– DSX-). Globalement, le financement de
l’entrepreneuriat connaît trois périodes clés
: une période marquée par l’implication de la
Banque Centrale, une période post-réforme
caractérisée par l’émergence des institutions
de microfinance, une période caractérisée
par une quête des sources alternatives de
financement.
I-1 Une banque centrale «déve-
loppementiste» et un système
bancaire prêteur au lendemain
des indépendances
Avant 1990, le financement du dévelop-
pement était une priorité indéniable de
la Banque Centrale, tel que l’indicaient les
dispositions statutaires élaborées au dé-
but des années 1970. Ainsi que cela était
sous-entendu dans l’article 19A des statuts,
la mobilisation des effets à (10 ans) devaient
« [...] avoir pour objet le développement
... ». La BEAC finançait les projets initiés
par les Etats membres dont l’objet était le
développement économique, l’améliora-
tion des infrastructures, des équipements
collectifs ou des structures agricoles. Par
ailleurs, dans le but de soutenir les secteurs
jugés prioritaires tels que le développement
des PME, la BEAC pratiquait une politique
de sélection du crédit au moyen de quatre
instruments (le taux d’intérêt, les marges
bancaires, la sélectivité des plafonds d’es-
compte et les limites individuelles). Les taux
d’intérêt étaient administrés et maintenus
à un niveau faible et stable dans le but de
stimuler les investissements.
Cette période est caractérisée par l’expan-
sion du crédit bancaire au secteur privé. On
passe de 10% du PIB en 1960 à plus de 30% du
PIB en 1982 comme le montre le graphique
ci-dessous (Source : WDI, 2017). Pourtant,
le retournement de la conjoncture écono-
mique internationale et la crise bancaire
des années 1990 vont entraîner une dété-
rioration du secteur bancaire induisant une
nécessaire restructuration. Concrètement,
sur 24 banques en activité en 1990 dans la
sous-région, 18 étaient déclarées insolvables,
dont 11 en liquidation totale (BEAC 2002). Le
crédit bancaire au secteur privé diminue de
5 points de pourcentage environ et s’établit
à 25% du PIB au début des années 1990.
I-2 Le rôle des banques, des
microfinances et de la finance
informelle au Cameroun
En quête de solutions alternatives, le sys-
tème financier camerounais va s’enrichir
de deux formes d’institutions, à savoir
les établissements de microfinance (EMF)
inspirés des travaux de Yunus (1976) et le
marché financier (Douala Stock Exchange -
DSX-) créé en 2001 et inauguré en 2003. Le
graphique ci-contre retrace l’évolution du
nombre des EMF au Cameroun entre 2006
et 2017 (sources : rapports annuels COBAC,
Ministère des Finances).
En effet, la réforme bancaire et spécifique-
ment le changement du cadre institutionnel
(réglementation, contrôle des banques et
des établissements financiers), s’est soldé
par des résultats paradoxaux, au nombre
desquels la surliquidité bancaire (situation
où la trésorerie bancaire est en permanence
largement excédentaire), le rationnement du
crédit et l’absence d’innovations financières.
La conséquence en est que le financement
du secteur privé par le secteur bancaire reste
en-dessous de 10% du PIB jusqu’en 2006-
2007, ainsi que l’indique la figure ci-dessus.
Dans l’esprit de Yunus (1976), les institutions
de microfinance ont pour objectif principal
de servir les exclus du système financier
traditionnel formel. Pourtant, malgré leur
éexpansion, il semble que, dans les faits, la
majorité des EMF se soient détournés de cette
mission première et privilégient désormais
leur rentabilité financière. Plusieurs raisons
sont évoquées pour justifier cette dérive,
notamment l’inégale répartition territoriale
des EMF, la faiblesse du coefficient de trans-
formation de l’épargne collectée en crédits,
l’accès limité des EMF aux crédits extérieurs
en raison de l’inexistence de mécanismes
de garantie adaptés, la faible concertation
entre les banques et les EMF (Kobou et al,
2010). A cela, il faut ajouter la rigueur des
conditions d’emprunt - taux débiteurs et
créditeurs moyens sont respectivement de
21% et 4% pour une marge d’intermédiation
moyenne de 17%- (Mondjeli Mwa Ndjokou, 2013
; Fouda Ongodo et al, 2014), le risque élevé
qui caractérise la population concernée par
les services des EMF ainsi que la disparité de
leurs motivations et objectifs extrinsèques
(Okah Efogo & Nkakene Molou, 2016).
A côté de cette alternative, la finance di-
recte ne semble pas apporter une meilleure
solution. En effet, la DSX ne compte que 3
entreprises cotées depuis 2006. Elle a lancé
en juil...
1 minute is enough to subscribe to Cameroon Business Today Digital!
-
Your special Cameroon Business Today issue in digital version
-
Inserts
-
Exclusive calls for tenders
-
Preview (access 24 hours before publication)
-
Editions available on all media (smartphone, tablets, PC)
Commentaires
Nkepnwa wandji turel manuel
Les idées du docteur sont très pertinentes, elles m'ont permi de pousser ma réflexion pour mon mémoire