L
es réseaux peuvent se définir d’après
CURIEN et DUPUY « comme des
objets dont le rôle est de mettre
en relation des fournisseurs et des
consommateurs de certains biens et services. Le réseau est ainsi regardé comme
le lieu technique de concrétisation d’une
intermédiation économique. Il est l’instrument d’échanges entre des producteurs
et des consommateurs, des fournisseurs
et des utilisateurs, la plate-forme transactionnelle permettant la confrontation
d’une offre et d’une demande ». Dans
les industries en réseaux comme l’eau,
l’électricité, les télécommunications, le
transport ferroviaire…, les évolutions
économiques, socioculturelles et juridiques ont conduit depuis les années
1990 à un très grand bouleversement
organisationnel du réseau. Conjointement
à ces évolutions, les développements
technologiques ont en grande partie
redéfini l’organisation de ces industries
sur deux points.
Premièrement, comme le notait CURIEN
en 1993, ces innovations technologiques
ont conduit à un découpage des réseaux
en trois segments : les infrastructures,
les systèmes de commandes qui pilotent
les infrastructures c’est-à-dire la technostructure et les services finals qui utilisent les infrastructures. Ce qui veut dire
que les entreprises en réseaux peuvent
être éclatées en deux ou trois entités.
Deuxièmement, les innovations sans
cesse croissantes dans le domaine des
technologies ont facilité l’introduction
et le développement de la concurrence
au sein des réseaux. Le segment service
final est le plus indiqué dans cette mise
en œuvre de la concurrence où l’on peut
retrouver plusieurs opérateurs.
En plus des différentes évolutions économiques, socioculturelles, juridiques et
technologiques, il y a aussi eu une évolution théorique qui a suscité ces dernières
années de nombreuses réflexions sur les
relations entre l’Etat, les secteurs concurrentiels et les entreprises publiques. Les
entreprises en réseaux avaient le plus
souvent le statut de monopole naturel
ou de monopole historique. Cependant,
la théorie des marchés contestables ou
disputables (I) a apporté une grande
innovation en expliquant comment la
concurrence pouvait être introduite dans
le monopole naturel ou le monopole historique (II)
I- L’évolution organisationnelle
des industries en réseaux : Les
enseignements de la théorie
Dans cette évolution organisationnelle
des industries en réseaux, les enseignements peuvent être tirés de la notion de
monopole naturel, de monopole historique
(1) et de celle des marchés contestables
ou disputables (2)
La notion de monopole naturel et
de monopole historique dans les
industries en réseaux
Il y a un monopole naturel lorsqu’une
entreprise unique produit pour l’ensemble
des demandeurs, à des coûts inférieurs
à ceux des entreprises en situation de
concurrence. L’existence de rendements
d’échelle dans les activités où les coûts
fixes sont très élevés explique cette situation. A titre d’exemple, les coûts liés
à la construction des réseaux d’électricité doivent être répartis sur un grand
nombre d’acheteurs pour en diminuer
le coût unitaire. Construire deux réseaux
électriques parallèles ne serait pas efficace économiquement. Un monopole
privé ne pourrait d’ailleurs adopter une
tarification d’un point de vue collectif
sous peine de faillite. L’Etat peut dans
ces situations permettre de mettre en
place un monopole public, notamment
pour éviter qu’un monopole privé exclu
des usagers de l’accès au service par des
tarifs prohibitifs.
Quant au monopole historique, il est
constitué du monopole naturel plus
des activités qui peuvent être soumis
à la concurrence. En fait, ce sont les
infrastructures qui constituent en général le monopole naturel. Les autres
segments relevés par CURIEN à savoir
la technostructure et les services finals
peuvent faire l’objet d’une concurrence.
Le monopole historique regroupe donc
en son sein, les infrastructures, les systèmes de commandes qui pilotent les
infrastructures et les services finals. Les
difficultés rencontrées dans la gestion
du monopole historique à travers une
qualité de service à minima a conduit au
développement du concept de marché
contestable.
L’introduction de la concurrence au sein des industries
en réseau: les marchés contestables ou disputables
W. BAUMOL, J. PANZAR et R. WILLIG
ont introduit en 1982 le concept de
marché contestable. Le marché d’un
bien ou d’un service est disputable ou
contestable si, d’une part, l’entrée sur
ce marché est complètement libre, et
si, d’autre part, la sortie de ce marché
se fait sans coûts. L’entrée est libre si
plusieurs conditions sont satisfaites.
Tous les concurrents éventuels doivent
avoir un accès identique aux facteurs de
production, aux différentes techniques
de production disponibles ainsi qu’aux
infrastructures. De plus, les consommateurs doivent avoir la possibilité de choisir
librement entre les différents concurrents.
La sortie sans coûts signifie que le risque
pour l’entreprise qui décide d’entrer sur
le marché est faible voire inexistant. Une
entreprise peut entrer dans la branche,
installer un équipement, produire et
vendre pendant une certaine période
en ne supportant aucun coût que celui
correspondant à l’usage et à la dépréciation
de l’équipement utilisé. Cette approche
a contribué à introduire la concurrence
dans les industries en réseaux.
II- La gestion des industries
en réseaux : l’ouverture à la
concurrence
L’objectif principal de l’ouverture à la
concurrence des industries en réseaux est
de rendre les activités plus performantes
en termes de prix et de qualité et de
limiter le monopole aux seules activités
correspondant au monopole naturel. Cela
revient à conserver les infrastructures en
situation de monopole, mais à en autoriser
l’accès à plusieurs entreprises afin de
promouvoir la concurrence des services.
Cependant, entre ces deux conceptions
de l’ouverture à la concurrence il existe
une controverse.
La première conception encourage la
concurrence en contribuant activement à
l’émergence de nouveaux opérateurs. A
titre d’exemple, dans le secteur de l’énergie
électrique au Cameroun, nous avons un
éclatement avec trois entreprises : EDC
(Infrastructures), SONATREL (Transport)
et ENEO (services). Cet éclatement peut
bien se poursuivre en ayant par exemple
un opérateur de services dans chaque
région du pays.
La seconde conception demande de
rendre la concurrence possible en levant
seulement les obstacles juridiques qui
interdisent l’arrivée de nouveaux entrants. Il suffit donc par exemple que
d’autres entreprises soient autorisées à
se raccorder au réseau pour que le monopole historique soit incité à améliorer ses
performances. L’exemple du marché des
t&eacu...
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